L'hiver les insectes hibernent ou hivernent, plus grand chose à observer.
J'en profite pour exceptionnellement changer de sujet et vous proposer un excellent article de mon ami Ramon BRUNELIERE sur l'histoire du morse , c'est-à-dire la radio télégraphie sans fil aujourd'hui devenue caduque.
Quand je pense que deux navires à quelques centaines de kilomètres l'un de l'autre avaient parfois du mal à communiquer et qu'aujourd'hui on extrait de sa poche un portable pour communiquer avec la terre entière, assis dans son fauteuil !
Voici donc son histoire publiée également dans la revue "la gazette des pontons" diffusée chez les anciens marins (plaisance, pêche du commerce et militaires, amiraux compris).
La fin de l’alphabet Morse, les satellites prennent le relais.
(1844 : L'inventeur F. B. Morse envoie le premier message sur la première ligne de télégraphe)
Fin également du métier de radiotélégraphiste : ça s’est passé dans l’indifférence générale sauf quelques articles dans la presse intéressant les initiés dont beaucoup d’anciens radiotélégraphistes.
Et pourtant ! L’alphabet morse a été inventé aux USA par le physicien Samuel Morse, en 1832 (165 ans auparavant) d’abord pour la télégraphie et pour la radio naissante ensuite.
Il a surtout été utilisé aux USA sur les lignes de chemin de fer qui traversaient le continent. Les gares étant distantes de centaines de kms, se transmettaient ainsi des informations pour le réseau ou des télégrammes pour les voyageurs.
Ce codage, assigne à chaque lettre, chiffre et signe de ponctuation une combinaison unique de points et de traits, devenant sous les doigts de l’opérateur manipulant, des signaux intermittents.
Et pourtant !
L’alphabet morse a été inventé aux USA par le physicien Samuel Morse,
en 1832 (165 ans auparavant) d’abord pour la télégraphie
et pour la radio naissante ensuite.
Samuel Morse
Il a surtout été utilisé aux USA sur les lignes de chemin de fer qui traversaient le continent.
Les gares étant distantes de centaines de kms, se transmettaient ainsi des informations pour le réseau ou des télégrammes pour les voyageurs.
Ce codage, assigne à chaque lettre, chiffre et signe de ponctuation une combinaison unique de points et de traits, devenant sous les doigts de l’opérateur manipulant, des signaux intermittents.
Chaque lettre ou chiffre des 38 signes du code morse a sa musique particulière que l’opérateur a mémorisé sous forme de sons pendant des semaines et des semaines d’apprentissage.
R ._. soit Ti Ta Ti, par exemple reproduit presque parfaitement le roucoulement d’une tourterelle.
V …_ soit Ti Ti Ti Ta, se rapproche du chant du chasseur d’Afrique appelé aussi guêpier.
Il était aussi l’indicatif de la B.B.C pendant la guerre émettant le V de victoire.
Il fallait donc que chaque opérateur ait une audition très fine, mais aussi une oreille musicale.
Ces musiques toutes différentes, l’opérateur radio les a mémorisées pour la vie entière. Il fallait une qualité d’audition très fine pour capter parmi le brouhaha des ondes, l’imperceptible signal de l’indicatif d’appel de son bateau.
Certains jours et encore plus la nuit, le boucan était infernal.
Il s’agissait de crachements d’orages lointains, de parasites venus du cosmos, ou encore de trafic en morse lancé par des émetteurs puissants proches.
Les radios avaient coutume, en employant le code Q Ex : QRK : Quelle est la lisibilité de mes signaux ? Ou le code Z : ZBK : Recevez vous clairement mon émission ? de signaler à leurs correspondants la force des signaux qu’ils recevaient.
Cela allait de 5/5 audition parfaite, à 1/5 audition très difficile.
Le summum était lorsqu’il fallait capter un message de force 1/5 ou 2/5 que le radio entendait à travers un infernal bruit de fond.
C’était alors un exploit de reconnaître d’abord son propre indicatif, puis de prendre un texte.
Les demandes de répétitions étaient fréquentes. L’opérateur receveur interrompait son correspondant par une série de points qui suivaient le dernier mot correctement reçu. Le radio émetteur reprenait alors à partir de ce mot la diffusion de son message. En final quelquefois le radio receveur en se relisant rajoutait une lettre ou un mot qu’il avait manqué pour que le texte soit compréhensible.
Malheureusement à partir du 31 Janvier 1997 les anciens radios n’ont plus beaucoup le loisir d’entendre la musique saccadée des signaux morse.
Quelques radios amateurs l’utilisent encore sur certaines fréquences.
Les Américains envisagent de remettre en service l’alphabet morse pour leurs transmissions contre la lutte antiterroriste.
Pierre-Jean BERNARD à son poste radio sur l'aviso Francis Garnier
dans le Pacifique -1957 -
1997 : En France, le métier d'Officier radiotélégraphiste de la marine marchande disparaît.
France Télécom arrête la radiotélégraphie.
La Marine Nationale ne forme plus de radiotélégraphistes à la lecture et manipulation du morse, mais des «Spécialistes information communication» chargés de l’entretien du matériel électronique à bord des bateaux mais aussi de certaines écoutes pour la sécurité des navires ou du territoire.
1999 : En France, arrêt de la veille radiotélégraphique sur 500 kHz et sur la fréquence 8 364 kHz qui étaient les fréquences de détresse.
La fréquence de 500 kHz (désignée aussi par sa longueur d'onde: 600 mètres) est la fréquence internationale de détresse et d'appel en radiotélégraphie morse sur ondes hectométriques pour les stations du service mobile maritime et aéronautique.
Dans chaque P.C radio sur les navires comme dans les stations terrestres existait une pendule avec sur le cadran des secteurs de trois minutes.
Pendant ces trois minutes tous les opérateurs cessaient d’émettre.
Le silence radio devait être total afin d’écouter un S.O.S éventuel.
C’est le système mondial de sécurité maritime (SMDSM) qui définit désormais les fréquences maritimes affectées pour la détresse.
Ce système de détresse semi automatique utilise la phonie comme moyen de transmission.
«Quand vous preniez les écouteurs, c’était comme si votre moi profond s’échappait de votre corps, ennuyé et las.
Pour un temps vous entriez dans un autre monde.
Le monde réel, le monde vivant des marins, des navires et du large. Des voix humaines vous parvenaient au milieu d’un brouhaha de crachements, de sifflements transformées par le bout du doigt, en points et en traits parlant vingt langues grâce à un code universel, le morse.
On n’entendra plus les américains avec leurs appareils à arc étouffé, leur note aigre de flûte, les cargos britanniques avec leur transfos rotatifs synchrone, leurs voix étouffées de baryton à mi gamme. Les canadiens avec le gémissement aigu de leur rotatif. Le curieux Ti Ti Ta Ta musical des allemands sur leur Téléfuken, les vapeurs sans lignes régulière et les chalutiers français bêlant comme des moutons perdus dans les verts pâturages humides de la mer.
De temps à autre le cri strident des japonais, le son de pipeau vif des italiens, la voix vibrante de maître d’équipage des norvégiens, des suédois et des danois. »
Tous ces postes émetteurs beuglaient, criaient, marmottaient ou murmuraient à la fois dans la bande des 600 mètres utilisés par la navigation.
La nuit quand l’obscurité augmentait leur portée, le brouhaha devenait terrible.
On eut dit le vacarme d’un vaste marécage une nuit de printemps.
De tout ce cafouillis ressortaient des sons particulièrement significatifs. D’abord votre propre signal d’appel, mais il était inscrit en lettres de feu dans votre cerveau, à peine murmuré.
Il vous faisait vous redresser et vous tenait en alerte sur votre chaise, cherchant à attraper un crayon et le bloc à procès verbaux.
Il y avait le C.Q, l’appel anonyme désignant n’importe qui….
Il y avait le Q.S.T* l’appel ordinaire adressé à tous, navires ou stations côtières.
D’habitude il se rapportait aux avertissements relatifs à la navigation. Mais le plus significatif c’était l’ensemble de points et de traits, qui par commodité s’écrivait S.O.S.* Chez tous les opérateurs ce son là ne manquait jamais de vous serrer le cœur.
Oh ! Oui, c’était merveilleux ! Le sang qui à force de monotonie circulait lentement dans vos veines, était fouetté.
Toutes les fois que vous preniez les écouteurs, vous sentiez l’importance de tout le système compliqué dont votre poste solitaire faisait partie.
Mais quand un navire en détresse dans vos parages appelait au secours vous deveniez DIEU observant de son trône la chute d’un passereau.
Les images se formaient dans votre cerveau comme projetées sur un écran. Chaque opérateur acquérait un mystérieux sixième sens.
Dans les postes côtiers, chaque opérateur se faisait reconnaitre par les autres à sa main à son style, à la nuance de sa personnalité sur l’écran intérieur des autres par la simple pression de ses doigts sur le manipulateur.
L’opérateur au travail, une fois parti à prendre les sons qui lui arrivent dans les écouteurs, devient simplement un rouage de l’appareil.
La matière arrive par l’antenne, jusque dans les doigts qui la transforment en écrit.
Extrait de : La nymphe et la lampe, roman de Thomas.H. Raddal (traduit de l’anglais)
Ce texte qui a été écrit en 1950 était prémonitoire.
Pourtant à cette date rien ne laissait encore prévoir les progrès techniques qui amèneraient à la suppression du morse et des opérateurs radio 49 ans plus tard.
* Q.S.T : Appel à tous les navires pour diffusion d’infos concernant la navigation
* S.O.S :
L’un des premiers S.O.S lancé, le fut par le radio du Titanic le 14 Avril 1912 à 23h40 :
Il annonce que le Titanic a heurté un iceberg à 650 kilomètres au large de Terre Neuve.
Il mourra à son poste en continuant à lancer en morse cet appel de détresse et la position du paquebot.
Autre SOS célèbre et aux conséquences ô combien dramatiques, le SOS lancé par l’Amoco Cadiz le 16 Mars 1978 quand il est venu se fracasser sur les rochers de Port Sall à la pointe de la Bretagne. L’équipage a été hélitreuillé, mais on n’a pu empêcher la cargaison de souiller tout le nord de la Bretagne.
En 1990 : La station Le Conquet radio FFU a reçu le centième appel de détresse SOS Si comme on peut le lire dans le texte ci-dessus, chaque émetteur selon sa marque ou sa nationalité avait sa sonorité pour ne pas dire sa musique reconnaissable parmi beaucoup d’autres.
Chaque opérateur radio avait avec son manipulateur, son style, sa façon particulière de manipuler.
La plupart se reconnaissaient entre eux sans avoir à lire l’indicatif du bateau ou de la station qu’ils recevaient.
Cela avait fini par créer une confrérie de radios qui fraternisaient à travers les ondes et parfois à travers le globe en ondes courtes la nuit où les liaisons étaient plus faciles, les ondes ricochant et se propageant sur des couches de l’atmosphère.
Avec quelques watts de puissance d’émission en ondes courtes, un radio pouvait entrer en contact depuis la France avec Nouméa et Tahiti dans le Pacifique, sans aucun relais.
Chose courante au 21ème siècle avec les satellites, mais exploit dans les années 1950.
Ce style de manipulation propre à chaque opérateur, a été très utile pendant la dernière guerre mondiale.
Des opérateurs radios émettaient depuis la France pour la résistance. Beaucoup ont été pris, fusillés ou envoyés en déportation.
Les Allemands se croyant astucieux, les avaient remplacés par des opérateurs à eux ou quelques uns de la résistance qu’ils avaient retournés.
Mais en Angleterre les radios à l’écoute connaissaient le style imparable et particulier de chacun de leurs correspondants, et la supercherie était vite découverte.
On savait rapidement que le titulaire de l’émetteur avait été pris.
Pendule d’un P.C radio avec ses secteurs de silence.
En rouge silence de 3 minutes graphie,
en bleu silence phonie.
Le manipulateur morse
Ils transmettaient chaque jour par un message codé à l’armateur les résultats de la pêche du jour.
Messages écoutés par les autres radios des chalutiers de la même compagnie, permettant de connaitre les zones de bonne pêche.
Au cours de leur veille diurne ils étaient à l’écoute du trafic des chalutiers concurrents qu’ils goniométraient repérant ainsi leur position.
Cela permettait au Patron, avec le nom du bateau de connaitre les zones de bonne pêche.
Ils assuraient la veille pour le Patron des accidents de pêche (accrochage du chalut sur une épave ou un rocher au fond) permettant à ce dernier de porter cette « croche » sur une carte pour les éviter.
Enfin ils assuraient eux aussi la veille météo et celle des messages de détresse, les relayant parfois, pour permettre à un navire proche de secourir un chalutier en difficulté.
Stations côtières : Comme sur les navires en mer des radios veillaient, servant de relais ou bien encore diffusant des messages de sécurité, pour la navigation.
Une station très importante pour tous les navires cités plus haut était la station de St Lys radio située près de Toulouse.
Dans cette station des radios communiquaient avec des navires dans le monde entier, servant parfois de relais dans des cas particuliers.
Quand un navire loin au large avait un blessé ou un malade à son bord il pouvait grâce à St Lys radio contacter un médecin qui donnait ses instructions pour soigner au mieux à distance le patient et tout ceci en morse grâce aux radios qui servaient d’intermédiaire.
Tout cela est bien fini depuis 1999.
Les stations de Boulogne sur mer, Le Conquet radio, pour l’Atlantique, ont cessé d’émettre en morse et ont été fermées depuis remplacées par les CROSSMED… St Lys radio* station internationale a elle aussi cessé l’écoute et les émissions en morse pour fermer définitivement. On peut toujours communiquer avec un médecin mais ça se fait directement en phonie ce qui est sans doute une amélioration.
Depuis la fin du 20ème siècle les navires marchand ou de pêche n’embarquent plus de radios.
Toutes les communications se font désormais par satellites et en phonie.
Les commandants ou les Patrons de pêche communiquent directement avec leurs armateurs .
2021 - Adieu R. B.
*St Lys radio était une station radio marine en ondes décamétriques installée dans la commune de Saint Lys proche de Toulouse. Construite en 1948 elle a cessé d’émettre le Vendredi 16 Janvier 1998 à 20 h 00. Les PTT puis France Télécom était l’exploitant de St Lys radio qui permettait les liaisons radios avec les navires en mer et les aéronefs. La station assurait des bulletins météo. Elle permettait les radio télécommunications de catastrophe pour les organisations intervenant sur place. Elle permettait la demande d’aide médicale par radios ondes décamétriques au SAMU de Toulouse. La station Saint Lys radio est à ce jour fermée.
Quelques détails personnels
*Comme mon ami Ramon Brunelière j'ai appris le morse à l'école de radiotélégraphie des Bormettes de la Marine Nationale près de Hyères (83).
*J'ai ensuite été affecté à la station radio terrestre de Six-fours (83) près du Brusc.
Puis la station radio terrestre d'Ajaccio-Aspretto et, toujours au même endroit, sur les vedettes de sauvetage en mer (SAMAR).
*Ensuite direction l'aviso Francis Garnier pour la campagne du Pacifique sous le pavois de l'amiral De Toulouse-Lautrec.
Puis petite halte à la station radio terrestre de Nouméa (Nouvelle-Calédonie) avant de rentrer sur le continent en 1957 (1954-1957).
Au sujet du manipulateur : Nous étions quelques radios à nous bricoler ce petit appareil de transmission (voir l'article) pour "écrire" plus vite.
Il s'agissait d'une fine lame d'acier fixée au support par une extrémité tandis qu'à l'opposé du côté des doigts se trouvaient deux contacteurs, l'un à gauche de la lame et l'autre à droite.
Frappes sur la gauche, frappes sur la droite à toute vitesse !
On pouvait ainsi , si mes souvenirs sont exacts, transmettre 120 signes environ à la minute.
On nommait cet appareil "le vibrateur".
Répétez, SVP, je vous entends mal !
La réception des signaux n'était pas toujours facile, souvent des bâtiments entre eux ou vers les stations à terre avaient du mal à s'entendre, même éloignés entre eux de quelques centaines de kilomètres !
De nos jours, il suffit d'avoir un portable dans sa poche pour communiquer avec le monde entier assis dans son fauteuil !
Le vibrateur, manipulateur à double contact.