Ontogenèses 2013, chrysalides en diapause pour 2014
Mystère : L'imago H est né le 27.03.2014 après 254 jours en chrysalide. Mais il y a plus curieux :
Les chenilles G et H, issues de la même ponte, se sont transformées en chrysalide à un jour d'intervalle ;
l'imago G est né au bout de 52 jours en juillet 2013
tandis que l'imago H est né au bout de 254 jours en 2014,
soit avec une différence de 202 jours !
Pourquoi ? Mystère.
Si vous aviez une idée...
NB : Les chenilles vivent dans des conditions naturelles, c'est-à-dire en extérieur toute l'année, luminosité, hygrométrie, températures, nourriture normales, seul un grillage les protège des prédateurs.
Voici des explications à ce "mystère" proposée par un de mes correspondants :
Ce qu'il faut surtout noter au-delà de l'arithmétique, c'est qu'entre les 2 émergences, il y a eu un hiver !
Cela revient donc à se pencher sur une question que se posent au fond (très inconsciemment) tous les papillons : quand doit avoir lieu ma diapause hivernale ?
Et la biodiversité s'exprime aussi dans la réponse à cette question : elle varie selon les espèces, l'époque de l'année, le stade, mais aussi selon les individus.
Car de même que tous les Homo sapiens, même au même âge, ne vont pas se coucher à la même heure, eh bien on peut comprendre que tous les individus papillons ne déclenchent pas tous leur diapause hivernale en même temps.
Et quand on y réfléchit un peu c'est plutôt heureux pour l'espèce : ainsi le machaon ne met pas pas toutes ses chrysalides dans le même panier et augmente ses chances de survie de l'espèce.
Si l'été 2013 avait été très froid et très humide, que les ombellifères avaient été décimés par je ne sais quelle maladie, nos imagos émergés l'été auraient pu éprouver une difficulté à produire une descendance viable.
Pour autant la petite fraction des chrysalides "mises en réserve" pour 2014 aurait permis de reconstituer les populations l'année suivante, au moins en partie.
Il y a donc chez de nombreuses espèces une variabilité individuelle (sans doute génétique) dans la sensibilité aux paramètres qui déclenchent la diapause.
Il est même probable que certaines peuvent génétiquement s'exprimer selon deux modes : diapause obligatoire à un certain stade, ou diapause conditionnelle à ce même stade, permettant de relancer une nouvelle génération si les conditions sont potentiellement favorables.
C'est d'ailleurs ce qui explique aussi, inversement, les secondes générations partielles certaines années (les individus "conditionnels" prennent le risque de continuer l'aventure, c'est comme à la roue de la fortune, d'ailleurs on parle de la loterie génétique !).
J'avoue ne pas avoir de belles références scientifiques en anglais à produire pour étayer tout ça mais c'est en tout cas le résultat de nombreuses observations dans des élevages "à plusieurs vitesses".
Sans doute des collègues plus savants que moi sauront produire ces études expliquant de façon plus technique le problème.
By Philippe MOTHIRON - 24.08.2014 -
Et par des scientifiques : (mise à jour 13.01.2015)
La température, la durée de l'éclairement, la qualité des aliments, etc... sont des paramètres importants pour le développement des insectes. Par exemple, la diminution de la longueur du jour, à l'automne, perçue par les jeunes chenilles, va provoquer un arrêt de la sécrétion de neurohormones*** au début du stade nymphal : la glande de mue n'est donc pas stimulée, l'hormone de mue n'est pas produite et la métamorphose est différée jusqu'au printemps suivant.
*** Neurohormone : hormone secrétée par les cellules de la "pars intercerebralis" du cerveau et stimulant la synthèse de l'hormone de mue, isolée sous forme purifiée en 1986 par une équipe de chercheurs japonais.
In " fabuleux insectes" - document entomologique - revue "science et vie"-
Par C.Blais (CNRS), A.Karlinsky (université P. et M.Curie) - R.Lafont (INRA)
En 2015 - Encore une naissance insolite :
Un Papilio machaon en chrysalide le 6 juin 2015 est né le 30 août 2015 après une diapause de 87 jours malgré la chaleur de la saison.