J'ai rencontré la thomise dans son cocon terminé vers la fin du mois d'août. Je la crois morte mais elle est bien vivante, elle ressemble à une momie dans son sarcophage ouvert. La sollicitude maternelle des thomises est admirable et se double d'une abnégation que l'on rencontre guère chez les autres mères. Elle ourdit au milieu d'une grappe de fleurs (photo) ou parmi les feuilles, une pochette de satin blanc. Au-dessus du plafond s'élève une coupole de fils blancs formant une guérite pour la mère qui, désormais, ne quitte plus l'abri de ses oeufs. Elle ne chasse plus.
Emaciée par l'accouchement, affaiblie par le manque de nourriture,
elle traîne une existence languissante et meurt d'épuisement
peu après l'éclosion, n'ayant plus vécu que pour veiller
sur sa progéniture et aider les jeunes à sortir du cocon.
Les premières petites araignées naissent le 13 septembre 2010.
La mère n'est pas morte et elle a bougé quand je l'ai touchée
avec le bout d'une brindille.
14.09 - 9 heures - 14 degrés : premiers départs discrets.
14.09 - 11 heures 30 - température 27 degrés -
on s'envole par dizaines à partir des fils reliant le cocon
aux alentours emportés par la brise.
A 16 heures il y avait encore des aéronautes
et les fils scintillaient de partout.
Les petites araignées naissent riches en instincts de tout genres,
de savoir-faire innés suffisants pour faire face aux nécessités
les plus dures de l'existence.
Les bébés araignée s'envolent dans les airs en extirpant de leur usine abdominale de longs fils invisibles qui servent d'amarre et lorsqu'elles
ont atteint un point culminant et que l'espace sans fin les surplombe seul, un nouveau fil est tiré de la corderie, fil que la brise fait flotter et, sans hésitation...
Les minuscules araignées montent sur le point culminant
de la plante pour s'envoler, c'est leur rampe de lancement !
...les jeunes acrobates s'aventurent sur ce support.
Lâchez tout !
Un remous de l'air brise le fil et entraîne dans l'Ether bleu
le hardi aéronaute qui est ainsi porté à des centaines,
à des milliers de mètres de distance si l'air est vif
et la brise persistante.
J'ai soufflé légèrement sur le cocon, déclenchant ainsi de
nombreux départs ! Les minuscules thomises mesurent tout juste un millimètre. On ne les aperçoit bien qu'à travers le verre grossissant de l'objectif. Quant au fils, on ne les voit pas, pour contempler le feu d'artifice des départs, il faut que le soleil les frappe et les fasse scintiller. On les appelle les "fils de la Vierge" dans le langage courant.
La mère bouge de temps en temps mais n'intervient pas.
Elle attend sa mort proche, son devoir accompli.
15.09 - 10 heures - 21 degrés : il y a toujours des thomises au départ.
16.09 - 13 heures - 26 degrés : la mère est toujours vivante et bien vivante, elle s'est retirée de dessus son cocon pour se mettre sur le pourtour.
À mon approche, elle a réagi. Il y a encore des envols de bébés thomise... à suivre... link
"Voyager prosaïquement à pied ou, aéronautes intrépides, s'élancer sur un fil-avion à travers les espaces sans fin, mollement portées par la brise : tels sont les seuls moyens de dispersion dont disposent les araignées. Point ne leur est besoin d'en avoir d'avantage puisqu'ils ont suffi à assurer la prospérité de leur race depuis l'époque lointaine de leur premières apparitions sur notre planète "
(Maurice Thomas in "Vie et moeurs des araignées" Payot 1953)
Je tiens à préciser que des informations de ce reportage sont extraites de cet ouvrage.
THOMISE : sacrifice pour donner la vie (suite) - BALADES ENTOMOLOGIQUES
RECAPITULATIF DES EVENEMENTS 13.09 - les thomises sont nées 14.09 - 9 heures - 14 degrés - les minuscules araignées lâchent leur fil invisible et se font emporter par la brise et les courants ...